Dans les yeux des créateurices

Trois autrices finalistes lors du premier tour pour la désignation du Grand Prix d’Angoulême, la programmation d’une exposition consacrée à Julie Doucet, d’une autre à Marguerite Abouet récente lauréate du Prix Jacques Lob, cela allait-il déjà trop loin ? Fallait-il allumer un contre-feu patriarcal de toute urgence ?

Nous trouvons que le FIBD traite avec légèreté son choix de consacrer une exposition à un auteur indéniable, mais qui pose problème tant par sa production d’images pédopornographiques, que par ses réflexions personnelles totalement inadaptées sur l’inceste, l’homophobie ou la pédophilie, ainsi que par une vision archaïque de la femme (culture du viol, non-consentement, hyper sexualisation, confusion des âges…) tenant visiblement à faire perdurer, au nom de la liberté d’expression, un modèle étouffant de la bande dessinée. Or ce modèle est battu en brèche et aujourd’hui totalement dépassé dans une création post-#Metoo. Nous ne pardonnons pas non plus ses sales attaques contre notre consœur, Emma, autrice de la Charge Mentale.

Un problème supplémentaire réside dans le fait que l’auteur balaie régulièrement toute critique et justifie son travail par des propos ambigus, souvent relayés par des médias amusés et complices.

Bastien Vivès entend que sa liberté soit respectée : nous ne remettons pas cela en cause, mais demandons que son travail ne soit pas célébré sans qu’aucun questionnement ne semble envisageable. Il est plus que temps que nos collègues et nos partenaires des maisons d’édition, librairies, festivals et galeries, prennent conscience de ce qu’ils et elles font et des messages qu’ils et elles envoient.

Le Collectif des Créatrices de BD contre le sexisme ne souhaitait pas l’annulation de l’évènement et même si nous déplorons fortement les “menaces” reçues par Bastien Vivès et les organisateurs, nous attendions avant tout des excuses et surtout des explications de la part de ces derniers. Il n’y en a pourtant aucune trace dans le communiqué du FIBD annonçant la déprogrammation de l’exposition.

Nous rappelons néanmoins l’obligation faite aux festivals et autres manifestations culturelles en France bénéficiant de dotations de l’État, d’œuvrer activement contre les violences et harcèlements sexuels et sexistes.

Nous, Collectif des créatrices de BD contre le sexisme, attendons bien mieux de notre milieu et des institutions qui se donnent pour mission de le représenter. Nous restons vigilant·es et continuerons d’avancer. Dans le sens de l’Histoire.